Tina Planta-Vital, Stizis as cruschan / Traces qui se croisent
Poèmes traduits du vallader par Denise Mützenberg, 2022, 2024
J’ai rencontré Tina Planta-Vital en octobre 2021, lors du Festival LitteraturA Nairs, Bestial, sur le thème des animaux.
Prémonitoire ?
Quelques mois plus tard, à mon invitation, elle m’envoyait une collection de poèmes sous le titre provisoire : bes-chas, c’est-à-dire bêtes…
Comment s’étonner de ce choix quand on sait que Tina éprouve dès l’enfance «üna ferma relaziun cullas bes-chas ed ün’ amur tuot speciala». Hélas, dans l’habitation citadine de ses parents, son rêve d’être entourée d’animaux est impossible. Elle en souffre beaucoup. Même si, pendant les vacances dans la maison familiale de Sent, elle peut aider à l’étable, courir au milieu du troupeau de chèvres qui traverse le village et passer des heures et des heures avec le chien de son oncle.
Enfance marquée par le manque? Pas seulement. Ici, déjà, les traces se croisent. Car elle dit aussi le souvenir des après-midi passées en compagnie de son père*à peindre ensemble dans la nature, avec leur matériel d’aquarelle !
En effet, la petite fille nostalgique, amoureuse de toutes les créatures vivantes, sait obscurément qu’écrire, dessiner, peindre est une réponse à la soif qui l’habite. Que cette soif l’accompagnera toute sa vie, et que toute sa vie, elle y répondra.
Devenue grande, Tina a épousé un paysan. Leurs enfants ont vécu au milieu des bêtes et ont appris leur langage. Son rêve de petite fille a été exaucé. Aujourd’hui, trente-sept ânes et vingt moutons broutent autour de sa maison. Elle enseigne le romanche, pratique le shiatsu. Mais elle continue tôt le matin, pour commencer chaque journée, de graver à travers poèmes et collages, les traces croisées qui traversent notre quotidien comme nos rêves nocturnes.
Légères et graves paraboles que nous avons la joie de rassembler ici.
D.M.
* Ulrich Vital, auteur du prestigieux ouvrage consacré aux maisons engadinoises sous le titre «Ils simbols populars e lur misteri», Schlarigna, Uniun dals Grischs, 1997, 2000